jeudi 15 octobre 2009

Pédophilie : sidération, démagogie et complexité

http://www.rue89.com/2009/10/09/castration-chimique-une-victime-dinceste-repond-a-sarkozy


Castration chimique : une victime d'inceste répond à Sarkozy :



"L'occasion de l'affaire Hodeau, vous et des membres du gouvernement, vous êtes déclarés favorables à une législation autorisant la castration chimique de certains délinquants sexuels. Une proposition de loi devrait d'être déposée en urgence, d'ici la fin du mois. Elle reprendrait un texte de 2007 dans lequel il s'agissait de pouvoir imposer ce châtiment aux violeurs d'enfants de moins de 13 ans.
Selon Michelle Alliot-Marie, « cette affaire dramatique illustre la nécessité de renforcer encore notre dispositif de lutte contre la récidive et de prise en charge des criminels sexuels ».
Non, ce que cette affaire illustre, c'est votre propension éhontée à faire d'un drame une opportunité politique. Yves Nicolin, député UMP s'apprêtant à déposer la proposition de loi dont il est question, présente les choses sans détour :
« Autrefois, l'opinion et l'Etat n'étaient pas prêts à aller dans ce sens, mais cela a changé. » « Nous devons profiter de ce fait tragique pour mettre en place cette solution qui a fait ses preuves. »

Profiter ? J'ai bien lu. Et comment profite-t-on d'un tel drame à l'UMP ? En recevant à l'Elysée les proches de la victime assassinée et en faisant la publicité de leur émoi intime alors qu'ils sont encore sous le choc.

Votre stratagème relève de l'imposture

Vous n'éprouvez donc pas le moindre scrupule à exploiter la douleur d'autrui dans le but de récolter les faveurs de l'opinion publique quant aux visées barbares de votre politique populiste ? Sans doute misez-vous sur le fait que le procédé sera perçu comme légitime grâce à la prétendue nécessité de la castration chimique et sa supposée efficacité. A moins que vous ne comptiez plutôt sur l'immunité d'un discours qui affirme implicitement que s'opposer à vos intentions et vos méthodes revient à prendre le parti des criminels contre les victimes.
Un tel stratagème relève de l'imposture. Car à y regarder de plus près, vos pseudo solutions ne servent pas plus la protection des citoyens qu'elles n'assurent la défense des victimes. Et ce n'est pas la première fois que vous tirez profit de pareilles manipulations.
Je n'ai pas la naïveté de croire qu'une lettre ouverte comme la mienne puisse avoir une quelconque incidence sur votre conduite. Mais j'entends exprimer publiquement mon indignation devant l'attitude profondément cynique et hypocrite qui est la vôtre.
Monsieur le Président, en tentant de vous faire passer pour « le président des victimes », vous sortez du cadre de la simple démagogie. Les déclarations nimbées de pathétisme que vous-même ou vos collaborateurs prononcent à l'occasion de coups médiatiques savamment orchestrés par vos soins sont indignes.
Elles dénotent un scandaleux manque de respect pour ceux dont vous vous servez. De plus, vous vous payez littéralement la tête des millions de victimes anonymes de la pédocriminalité, dont dans les faits, vous n'avez que faire.

Manœuvres politiques

Mais vos méfaits ne s'arrêtent pas là. Vos manoeuvres politiques nous entraînent sur cette dangereuse pente où la justice tend à se confondre avec une arme de vengeance. Au mépris des principes de notre république et au détriment des intérêts des victimes.
Par ailleurs, votre instrumentalisation prend en otage celles et ceux que vous prétendez défendre, en les incluant de gré ou de force dans vos outrances. Vous répandez ainsi le préjugé qui veut que les victimes soient nécessairement porteuses d'attentes aussi exorbitantes que les propositions qui émanent de votre idéologie sécuritaire.
Et parce que vous donnez à penser que se préoccuper d'elles conduirait nécessairement aux dérives qui sont les vôtres, nombre de citoyens soucieux du maintien d'une démocratie digne de ce nom considèrent désormais que la justice se doit absolument d'ignorer ces dernières.
Pire, une part non négligeable d'entre eux se fait à présent un devoir de vilipender afin les faire redescendre du soi-disant piédestal sur lequel vous les mettriez. Victimes de viols répétés par deux agresseurs -dont un mineur- durant dix années de mon enfance, je suis contre la castration chimique, contre la rétention de sûreté et contre le durcissement de la justice pour les mineurs.

Des hommes et non des monstres

Parce que je considère que ces criminels sont bien des hommes et non des monstres -n'en déplaise à notre image de l'humain- et que j'honore le respect de la dignité de chacun. Parce que je sais que la vengeance n'est pas réparatrice et que la haine est destructrice.
Parce que je crois aux bienfaits d'une justice équitable, également respectueuse des droits des accusés et des plaignants, des coupables et des victimes. Parce que je suis effarée par le gouffre qui se tient entre la réalité de la pédocriminalité et la maigre conscience que nos sociétés en ont.
Et parce qu'il m'importe de regarder les choses en face et non de m'éviter l'angoisse des questions que ce problème soulève sur la nature humaine en prônant des solutions superficielles, qui non seulement ne résolvent rien mais entretiennent le déni de chacun.
Aussi, l'image stigmatisante des victimes qui se dégage de vos déclamations est pour moi une offense. Et je me trouve lésée, dans mon quotidien, par les calamiteuses conséquences de votre politique. A défaut de chercher véritablement à protéger les enfants de notre pays et de vous intéresser réellement du sort des millions de Français victimes de pédo-criminalité, pourriez-vous, au moins, faire preuve d'un peu plus de décence ?"

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