samedi 31 octobre 2020

Coronavirus : Combien de précaires et endettés crées par mort évité grace au confinement partiel ? Comparons avec Manaus


Covid-19 : à Manaus, l’immunité collective a-t-elle montré ses limites ?

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Sur cette photo d’archive prise en mai 2020, l’employé d’un cimetière de Manaus, au Brésil, dépose plusieurs croix alors que le nombre de morts liées au Covid-19 progresse dans la région.  AFP/Michael Dantas

Par Paméla Rougerie


Le 25 septembre 2020 à 16h01, modifié le 25 septembre 2020 à 16h13

C'est une nouvelle étape dans la progression de l'épidémie de Covid-19 au Brésil, un des pays les plus gravement touchés au monde. Les habitants de la ville de Manaus, située dans la forêt amazonienne, auraient atteint un niveau d'immunité collective permettant de contrôler temporairement la circulation du virus, selon une étude menée conjointement par plusieurs chercheurs d'universités brésiliennes, américaines et britanniques.

Cette étude a été menée entre mars et septembre sur des milliers d'échantillons prélevés pendant plusieurs mois et issus de dons du sang dans la région. Elle a été publiée sur medrxiv lundi dernier, mais n'a cependant pas encore été évaluée par un comité de lecture. Selon ses auteurs, 66 % de la population de Manaus possède des

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Une conséquence de l'épidémie hors de contrôle

Grâce à cette immunité, l'épidémie est plus facilement gérable. « Il apparaît que l'exposition au virus lui-même a entraîné une baisse du nombre de nouveaux cas et de décès à Manaus », a déclaré la professeure de médecine Ester Sabino lors d'une présentation de l'étude à la Fondation de soutien à la recherche de l'Etat de Sao Paulo (Fapesp), qui a contribué à financer ses travaux.

La région n'avait pas l'immunité collective comme stratégie. Il s'agit plutôt d'une conséquence d'un manque de contrôle des autorités sanitaires. « L'immunité collective par infection naturelle n'est pas une stratégie, c'est le signe qu'un gouvernement n'a pas réussi à contrôler une épidémie et qu'il en paie le prix en vies perdues », a tweeté Florian Krammer, professeur de microbiologie à l'école de médecine Icahn de l'hôpital Mount Sinai à New York.

Au Brésil, le président Jair Bolsonaro a en effet longtemps lié l'ampleur de l'épidémie, même après avoir été infecté au coronavirus. Le pays enregistre aujourd'hui près de 140 000 décès, faisant de lui le deuxième le plus durement touché au monde. Plus de 4,6 millions d'infections y ont également été signalées.

Un coût humain désastreux

Dès le mois de mai, sur le terrain, les soignants se sont retrouvés débordés. À l'apogée de l'épidémie, la ville de Manaus était le théâtre d'images d'hôpitaux débordés, de cadavres entassés dans des camions frigorifiques et de fosses communes. Il est encore difficile d'expliquer concrètement comment les contaminations s'y sont répandues plus rapidement qu'ailleurs. « Les conditions socioéconomiques basses, la surpopulation dans les maisons, l'accès limité à de l'eau potable, la dépendance des voyages sur des bateaux à haut risque (dans lesquels la surpopulation accélère les contagions) » sont de possibles explications, lit-on dans l'étude.

En limitant naturellement les nouvelles infections, l'immunité collective a permis de diminuer le nombre d'infections et de morts d'aujourd'hui. Mais en en causant de très nombreux sur son chemin. Manaus et ses 2,2 millions d'habitants ont enregistré 2 462 décès dus au Covid-19. Rapporté au nombre d'habitants, son taux de mortalité serait le deuxième plus élevé au monde, avec 100,7 décès pour 100 000 habitants.



Dans la plupart des pays d'Amérique latine, eux aussi lourdement heurtés par le virus, le taux de mortalité est bien inférieur, oscillant entre 50 et 65 pour 100 000 habitants, comme au Brésil (65,93) ou en Bolivie (68,83), selon les données de l'Université Johns-Hopkins. En France, le taux de décès pour 100 000 habitants est de 46,94.

Une immunité temporaire

Sur le long terme, l'immunité par infection naturelle ne semble pas vraiment efficace. Selon Lewis Buss, un des chercheurs qui a mené l'étude, « les anticorps contre le SRAS-CoV-2 se désintègrent rapidement, quelques mois après l'infection. Cela se produit clairement à Manaus, ce qui montre l'importance de prendre des mesures sérieuses pour comprendre l'évolution de la maladie », explique-t-il au journal Em Tempo.

Dans leur étude, les chercheurs avertissent leurs lecteurs de légères limites dans leurs tests. Même s'ils ont pris soin d'équilibrer les données pour les rendre aussi représentatives que possible, ils craignent que leur évaluation de la séroprévalence au Covid-19 soit approximative, puisque les données sont issues de dons du sang, procédure qui exclut les enfants, les seniors et les personnes symptomatiques. Toujours selon les chercheurs, la baisse récente des infections à Manaus peut aussi s'expliquer, en partie, par une meilleure application de la distanciation sociale et l'usage de masques.

Gare également à vouloir laisser le virus circuler dans d'autres régions pour atteindre le même taux d'infections et la même immunité. « Nos résultats ne peuvent pas être directement extrapolés dans d'autres contextes, en raison des différences dans la démographie de la population, de son comportement, de sa vulnérabilité aux infections, ainsi que la mise en œuvre et l'adhésion à des mesures non-pharmacologiques », préviennent les chercheurs.

L'immunité collective comme stratégie est d'ailleurs très critiquée à l'étranger. Fin mars, au Royaume-Uni, l'idée avait été vantée avant d'être totalement révoquée pour privilégier un confinement de la population

mercredi 27 mai 2020

L'entropie bureaucratique, par André Danzin

L'entropie bureaucratique 


L'existence de l'information se confond avec celle de l'ordre : un message ne se lit et ne se transmet que par l'organisation de signaux reconnaissable par les parties prenantes, qu'il s'agisse de signaux reconnaissables de la valence d'un atome, de l'acidité d'une molécule, du cri d'un oiseau ou d'une page d'écriture. Le contraire de l'information est le désordre, le bruit non signifiant qui sont pures pertes. La part d'organisation qu'il faut mettre en place pour assurer l'acheminement de la transmission est aussi une perte. C'est le prix à payer pour la communication. Ainsi se justifie l'idée qu'en matière d'information, comme en matière d'énergie, on ne peut pas éviter les déchets entropiques. 
 
Tant que le message reste élémentaire et s'échange entre un nombre limité de correspondants, la perte entropique demeure négligeable. Il en va tout autrement lorsque la complexité franchit un seuil sous l'abondance des flux d'informations. L'entropie bureaucratique apparaît. Elle explique, en partie, la poussée des emplois dans le secteur tertiaire. De même que la distribution d'électricité s'accompagne de pertes en lignes les bureaucrates accomplissent pour une part de leur temps des taches d'accompagnement non directement productives mais cependant indispensables. lls traitent les déchets de la complexité. A mesure que progressent les appareils bureaucratiques qui les entourent s'hypertrophient. La productivité des premiers tend à voir ses progrès annihilés par les seconds. 
 
Les déchets informationnels sont fonction de l'organisation. Dans une économie où l'information, produit marchand, devient la principale matière première, la réduction des pertes bureaucratiques est un problème majeur. A la perte directe de travail donc d'argent, s'ajoute le vice des défauts de transmission et d'interprétation. L'information, reprise par plusieurs échelons successifs pratiquant simplifications et synthèses, perd sa fraicheur. Elle peut changer involontairement, parfois volontairement, de contenu. On sait avec quel degré de méfiance il faut utiliser les statistiques. 
 
La seule parade à la poussée d'entropie bureaucratique est la délégation de pouvoir et la décentralisation. Les flux d'information doivent être traités là où ils se recueillant et où ils sont les plus directement utiles. Ce qui est vrai dans une entreprise industrielle et commerciale est encore plus vrai pour un gouvernement. L'Etat ne devrait intervenir que là où il ne peut trouver aucun acteur de substitution. Le principe de subsidiarité doit être appliqué à tous les niveaux et particulièrement au niveau étatique. 
 
L'idéal serait que l'Etat ne fasse rien excepté d'accomplir sa fonction de régulation vis-à-vis de l'ensemble des acteurs et d'assurer certaines missions pour lesquelles aucune délégation n’est concevable : la défense, le contrôle de l'ordre intérieur, la politique étrangère, la politique économique. Ainsi seraient confortés avec le minimum de gaspillage entropique les rôles de définition des règles du jeu, d'arbitre et de garant de la solidarité et des libertés. 
 
Une forme néfaste d'entropie se développe lorsque le pouvoir ignore les sanctions du vote démocratique. Il s'agit des prélèvements effectués au profit des dépenses somptuaires de la clientèle politique ou des groupes de pression. L'un des obstacles les plus graves au développement est constitué par les détournements de moyens par ceux-là mêmes qui devraient en garantir le bon usage. Chaque fois que l'Etat sort de son rôle de régulateur pour devenir acteur, le danger d'assister des opérations condamnables est grand. Il faut rechercher systématiquement le plus court chemin entre les sources d'aide et les groupes assistés. 
 
En résumé, gouverner dans la complexité, c'est avoir constamment à l'esprit la lutte contre l'entropie bureaucratique et la volonté d'organiser des circuits courts de manière à obtenir un usage direct et immédiat de l'information. Il faut "gérer l'information a stock nul". 

André Danzin
VP de Thomson CSF et le fondateur de ST électronique. Il fut aussi administrateur du Club de Rome.