La bataille des idées est
déterminante dans l’issu des choix de société en démocratie.
Or, en matière d’écologie, les
progressistes excellent en matière technique, mais sont-ils assez crédibles en
matière philosophique ?
Quelle références percutantes
peuvent peser sur la masse des publications des penseurs « écologistes »
?
Comment un jeune esprit peut-il
se faire rapidement une opinion critique argumentée ? comment éviter les
manipulations ?
En attendant de trouver une synthèse
satisfaisante, voici mes quelques pistes de réflexion, modeste pierre à l’édifice.
Comment procéder ? en
parcourant librement les concepts liés à l’écologie, l’environnement et en
zoomant si possible sur l’énergie.
-
Tout d’abord, il faudrait dévoiler les mythes
sous-jacents de notre inconscient collectif qui influence nos choix de
citoyen…
Certains sont actifs ici : Puissance, Mort, le Mal, Feu,
Métal, Animalité, Connaissance, Dieu, Polythéisme, Péché originel, perte
de Nature,
Pouvoir, Apocalypse, Grande
Peste, ... Autant d’archétypes qui
nourrissent nos émois.
-
Quant aux philosophes et penseurs, lesquels font
autorité ?
Plutôt Michel Serres, Heidegger,
Pascal Bruckner, Michel Onfray, Luc Ferry, le Dalai Lama, et quelques politiques éclairés (A. Montebourg, R. Bachelot, M. Rocard, Maud Fontenoy...) ?
Ou bien : Edgar Morin, Pierre
Rabhi, Felix Guattari, Stéphane Heissel, (et José Bové, Corrine Lepage, NKM, Jean-Luc Mélanchon, Daniel Cohn-Bendit,…) ?
(On voit que le clivage dépasse le droite/gauche.)
-
Quel principe de précaution ?
« Principe
d’obstruction » ?
ou « Omelettes et œufs
cassés » ?
A ce sujet, peut-on se
revendiquer du compromis équilibré ? à mi chemin entre écologie radicale
et scientistes ?
Isabelle Stengers et la slow
science donne à ce sujet quelques pistes de reflexion :
A réécouter aussi l’émission de
RFI : « Risque industriel : bienvenue dans l’ère de l’Apocalypse
joyeuse »
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-
Enfin et pour conclure, l’émission de France culture
“La désolation de la nature” est particulièrement instructive.
(58 mn à écouter dans « Les nouveaux chemins de la connaissance »)
Verbatim et références de cette émission de radio de France culture
: (je cite, sauf erreur)
Invité : l’auteur de “La haine de la nature” : Christian Godin
Je cite :
-
On doit faire la distinction entre “nature” et
“environnement”.
Les tentatives de protection de
la nature ont-elles quelque chose d’illusoire ? En effet l’artificialisation
croissante questionne notre légitimité à en user voir abuser.
Les limites ne sont-elles que
celles de l’horizon du bien être humain ? ou Gaïa doit-elle être préservée d’un
bouleversement anthropique ?
La quête de la connaissance
prime-t-elle sur celle d’un monde durable ?
-
Le narcissisme générique de l’Homme l’aveugle,
tiraillé entre amour de soi, mais aussi détestation de soi pour ce qu’il fait.
La nature : un réel insupportable
à domestiquer ? ou un éco-système à préserver ? les deux sont-ils
compatibles ?
Ce processus aurait démarré à la
Renaissance : Par l’accès à la Technique, au triomphe de l’artifice.
Les paysages sont artificiels
(Point de vue en extériorité.) L’Homme le devient. La médecine régénératrice est inéluctable.
Citation du philosophe Georges
Canguilhem :
“L’homme n’est pas installé sur ses terres comme un animal sur son
territoire, sur les lignes d’un paysage ;
il faut savoir lire l’effet des techniques de l’homme autant que la
spontanéité de la nature.”
-
Les modèles du post humain vont finir par
s’affirmer irrémédiablement.
Tel le “fait démocratique” de
Tocqueville, il y a une fatalité du fait techno-économique,
techno-scientifique qui crée de
l’irréversible.
-
La nature ne fonctionne plus (en ville) que
comme signe : « Le signe est la mort
de la chose ». (Hegel).
Exemple ? Les Murs
végétalisés.
La mythologie du “vert” est
la trace d’une réalité qui par définition a été récusée, refoulée, détruite.
La sauvagerie (éthim.
“foret") est éteinte ou en voie d’extension.
Cf. Gilles Deleuze : « Territoire de l’animal » :
“Les animaux à territoire c’est presque la naissance de l’art. Outre
les glandes anales,
l’urine, etc... c’est plus que cela. Ce sont les 3 déterminations de
l’art :
1) Série de postures (se baisser se lever),
2) Les couleurs (fessiers visibles aux frontières),
3) les chants et paroles.”
« Le territoire, ce sont les frontières de l’avoir. En sortir,
c’est s’aventurer au delà.
L’opposition entre nature et artifice serait consubstantielle à la
séparation entre nature et Homme. »
Cela prend sa source chez Merleau
Ponty avec
« Structure du comportement
/ phénoménologie de la perception » :
« La cachette n’existe que pour l’animal, il différencie l’espace.
Pas le végétal. Ni le minéral
qui ne peut que strier la nature.
Le propre de la vie, c’est de différencier la nature. Signe de la
conscience réflexive humaine. Singulariser l’espace. »
-
En fait, le darwinisme a rompu l’harmonie divine
de la reproduction en révélant un ordre évolutionniste.
Il y a donc nécessité d’adapter
les préjugés métaphysiques d’avant l’apparition de la théorie de l’évolution.
Luc Ferry annonce lui :
« La haine des artifices liés à notre
civilisation, du déracinement, est aussi la haine de l’humain."
Mais n’est ce
pas l’inverse ?
Vu l’artificialisation croissante
de l’humain, et l’augmentation de la puissance physique et psychique : celle-ci
est équivoque.
Voir « L’être de
l’homme » (Hans Jonas)
-
Voir aussi le principe de responsabilité : “in
dubio pro malo” Pour une éthique du futur.
“Le développement technique et
scientifique conduit à une "prolifération" de l'humanité en raison
de son "succès
biologique".”
En finira-t-on avec notre réalité
humaine, pour basculer vers l’homo-roboticus ?
-
Voir aussi la critique des éthiques de
l’environnement.
Le New deal vert (Jill Stein 2012 USA)
([NDLR : N’oublions jamais quand nous parlons des “2% d’Eva Joly”
que Ralph Nader a permis à G.Bush
de battre Al Gore pour 100 000 voies en Californie !])
-
Parler d’environnement est un terme de
forclusion [NDLR : je traduirais par « évacuation du concept »]
: la nature n’existe plus.
L’ »Environnement
naturel » est un oxymore : il se contredit.
L’environnement n’est jamais
nature : il est façonné ou au moins aménagé pour que l’homme puisse y
accéder. Voir la notion d’Artefact.
-
André Gorz complète : « L'impératif
écologique, peut aussi bien nous conduire à un "anticapitalisme radical
qu'à un pétainisme vert. »
Il pense que la décroissance de
l'économie est en marche, mais pour lui, la
question est de savoir si elle
prendra la forme d'une crise catastrophique ou celle d'un choix de société
auto-organisé”
A noter que le retour sur les
textes de Marx avait fini par convaincre Gorz de la nécessité d'instaurer un
revenu d'existence.
Ce qui s’impose à nous selon-lui,
c’est la régression globale de la consommation matérielle.
Il y a bien sur le risque
d’Eco-dictature sur l’ensemble de la société.
L’approche écologique : n’est ni
un retour à la nature ni un supplément de technique.
L’Eco-social c’est comprendre
pourquoi notre mode de consommation est destructif.
La logique économique qui se
déploie dans sa pureté veut qu’on arrive à rentabiliser un maximum de capitaux,
accroitre sa consommation individuelle.
Le lien entre plus et mieux est
rompu.
(NDLR: D'où la controverse sur le "moindre mal du nucléaire civil" comme facteur de paix et d'émancipation, comme simple outil d'optimisation des ressources financières nécessitées par le social et le changement climatique. A lire : "Du muscle à l'atome" : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2011)
Le capitalisme est-il un système
capable de faire du profit à partir du négatif ?
Effectivement, la destruction de
l’environnement bénéficie à l’économie.
-
Croire que les problèmes d’environnement sont
techniques est une erreur. La crise est existentielle, métaphysique puisqu’elle
se situe au delà du physique.
Voir André Leroi-Gourhan :
“Le geste et la parole” (renvoi en bas de page : **)
Quand George Bush annonce : “Le
mode de vie américain n’est pas négociable”,
Jean Baudrillard répond, allons
au bout de la crise :
“Le principe du mal n'est pas moral, ce n'est pas non plus un principe
de mort mais de déliaison.
Toute tentative de rachat de la part maudite ne peut qu'instaurer des
paradis artificiels
qui, eux, sont un véritable principe de mort. A ce propos, l'auteur
analyse les systèmes contemporains
dans leur forme catastrophique.”
-
Voir aussi Hicham-Stephane Afeissa :
« Ethique de l’environnement et morale » :
“Peut-on intégrer dans la “communauté morale” un certain nombre
d’entités qui n’en font
traditionnellement pas partie ? (des eco-systemes, etc...)”
-
Par ailleurs, y a-t-il un fatalisme sous-jacent
?
Au sujet du réchauffement
climatique : des dizaines de millions d’habitants vont devoir quitter leur
terre.
Le 20eme siècle a été le siècle
des réfugiés politiques, le 21ème siècle sera celui des réfugiés
environnementaux ?
-
Voir également Auguste Comte dans : “Les
droits de la nature” : l’idée de droits suppose l’idée de devoirs ?
Les références nous conduisent
ici à Spinoza et Kant. A Saint Augustin.
-
L’Ecosophie de Felix Gattari
”L’écosophie est un concept forgé par le philosophe Arne Næss à
l'Université d'Oslo en 1960.
C'était au début du mouvement de l'écologie dite écologie profonde qui
invite à un renversement
de la perspective anthropocentriste : l’homme ne se situe pas au sommet
de la hiérarchie du
vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère comme une partie
qui s’insère dans le
tout. “
Michel Serres parle de “Contrat
naturel” (Voir renvoi ci-dessous : *)
« Le contrat social ne tient pas compte du monde... !
Dans La déclaration des droits de l’Homme : seuls les Hommes peuvent
passer des contrats.
Des contrats pourraient être passés entre l’humanité et le monde.
Faut-il deux volontés pour qu’un contrat puisse exister… ? »
Pour Descartes : La nature n’est
pas une personne.
-
Pour Jacques Derrida : nous aurions un a priori
envers les animaux.
L’éthologie nous aide à sortir de
l’animal machine.
Il faut sortir de la Guerre
contre la nature.
Voir aussi Claude Levi Strauss et
son Opposition « nature / culture », « né habillé / ou
nu », « cru et cuit », « désert et jardin ».
Et la politique de « laisser
être » la nature.
FIN
* “L’existence de
l’organisation politique humaine présuppose nécessairement (même si nous en
avons perdu la mémoire)
l’adhésion réelle et entière des individus à un socle fondamental de
valeurs garantissant l’entente
minimale à partir de laquelle une société peut advenir et être viable.
Cette origine mythique (mythique
puisqu’elle donne naissance au sujet de l’histoire,
entendez la société humaine) du
social, nous l’appelons : le contrat social.
« Le contrat naturel », tel que
Michel Serres s’en fait le chantre, n’invalide pas le contrat social, il vient, au sens hégélien du terme,
le « relever ». Le relever, c’est à dire, montrer la limite du contrat social, insister sur
la nécessité de le dépasser sans le récuser mais en intégrant au contraire le paradigme dudit
contrat. Ce paradigme quel est-il ? C’est celui du droit, de la justice. Car nous vivons
aujourd’hui dans un autre monde que celui de l’époque dite moderne où fut pensé, sous différentes
modalités, le concept de contrat social. S’il était juste et nécessaire, pour que, sur le
grand paquebot de l’évolution, l’humanité pusse se poster à la proue de l’histoire, de donner à
chaque homme la même dignité politique en lui accordant, quelles que soient son origine et
ses déterminations, les mêmes droits qu’à n’importe quel autre, il est urgent aujourd’hui,
si l’on ne veut pas vivre dans l’injustice, de faire entrer dans le pacte cet acteur
singulier qui, « curieusement » dit Michel Serres, était jusqu’à présent absent de notre existence
éthique : la nature.
Certes, la nature nous l’avons
toujours prise en compte puisque nous évoluons en son sein,
mais jamais comme « sujet » et
encore moins comme « sujet de droit ». Certes la science,
et particulièrement la science
physique a permis de comprendre l’unité de la nature,
mais jusqu’à très récemment nous
ne considérions cette dernière qu’objectivement
et n’avions d’autres buts que
celui, cartésien, de la dominer. Or, nous savons aujourd’hui,
dans le contexte historique qui
est le notre, qu’il est aussi vain, mais infiniment dangereux,
de vouloir maîtriser la terre que
de vouloir maîtriser un homme. Si l’homme a vitalement
besoin de la « stabilité » de la
terre, la terre a besoin de la sagesse de
l’homme. C’est pourquoi il est
urgent et nécessaire, aujourd’hui que l’homme « voit » la terre
et prenne conscience de la nature
et que la nature, réfléchie dans la conscience de l’homme,
s’apparaisse à elle-même, il est
urgent que l’humanité contracte avec la terre en inventant pour
elle, à l’instar du contrat
social, un contrat naturel où justice sera faite à la nature
désormais comptable d’une
déclaration universelle de droits de la nature.”
** Après les deux volumes
d'Evolution et techniques (L'Homme et la Matière et Milieu et
Techniques) qui donnaient le
cadre systématique d'une étude générale des techniques, de la
préhistoire au début de la
période industrielle, André Leroi-Gourhan, dans "Le Geste et la
Parole", dont "Technique et Langage" est le premier volume, offre une synthèse sur le comportement
matériel de l'homme. Partant des
observations de la neuro-physiologie, il montre que l'emploi
simultané de la main et de la
face mûrit dans le comportement d'un nombre important d'espèces
depuis les origines. L'évolution
du corps et du cerveau et celle des manifestations techniques
et esthétiques permettent de
dégager une véritable " paléontologie du langage ".
La notion zoologique du
territoire est ensuite exploitée pour définir l'économie des sociétés de
chasseurs-ramasseurs, les
modalités de l'apparition de l'élevage et de l'agriculture, puis
l'enchaînement des conséquences
techno-économiques qui conduit aux techniques du feu
(céramique, métallurgie), à la
formation des classes sociales et au développement du dispositif
urbain. Technique, économie,
langage se coordonnent ici depuis le plus lointain passé jusqu'à
l'examen des chances biologiques
de l'homme futur, dans la recherche d'une image totale du
développement humain. »
-----------------------------------------
Concluons
plus concrètement ce petit tour d’horizon par l’excellent texte de Michel
Onfray :
et
plus globalement par une réflexion générale sur les catastrophes : http://www.laviedesidees.fr/Du-risque-a-la-catastrophe.html)
Bonne méditation …
1 commentaire:
Il me semble que toutes ces références font l'hypothèse que l'Homme et la Nature sont deux entités distinctes. Cette hypothèse me semble complétement fausse. C'est comme si on séparait le corps d'un homme de son cerveau. Il est convenu de dire que l'Homme perturbe l'équilibre naturel. Ceci est également faux car la biosphère n'a jamais été en équilibre. Ce qui est nouveau c'est que l'humanité est un facteur d'évolution très rapide de la biosphère. Ce qui est aussi nouveau est que l'humanité est consciente de son environnement et de son évolution. La santé des écosystèmes peut se dégrader si l'une des espèces qu'ils abritent se développe exagérément. C'est le cas pour des espèces invasives qui n'ont plus de prédateur. Les prédateurs des hommes sont, essentiellement, les autres hommes, les bactéries, les virus, les insectes ou l'épuisement des ressources offertes par l'environnement. La nouveauté est que l'humanité apprend à se contrôler elle même (contrôle des naissances, gestion de l'environnement, compréhension et contrôle des menaces bactériennes, virales etc.) Tout comme le corps est largement organisé pour protéger le cerveau, qui lui même reconnait les dangers menaçant l'intégrité du corps et élabore des stratégies pour les éviter, l'humanité doit organiser la biosphère pour sa propre survie. Dans ce contexte la querelle entre "naturalité" et artificialité perd son sens. Les fourmis et les termites depuis des millions d'années, construisent des structures artificielles et les oiseaux leurs nids.
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