Pandémie H1N1 : une presse à prendre en grippe
S'il est une victime de taille de la grippe A H1N1, c'est bien l'honneur des médias. Comme aux beaux jours du référendum sur le projet de constitution européenne, ils s'en donnent à cœur joie dans la propagande à sens unique, relayant sans même plus de précaution, ni dans la forme, ni dans le fonds, la déjà pitoyable campagne de vaccination lancée par les « autorités » (sic) politiques.
Déchaînés, ils sont, ces pauvres poulets ! Que n'a-t-on lu et entendu, tous ces jours, en Une de tous leurs journaux, dans tous les titres de tous leurs communiqués ! La grippe porcine, couteau entre les dents, qui allait carrément (j'exagère à peine) attaquer les petits enfants.
Des manœuvres manifestes de désinformation
Et que je te pointe le nombre de morts (une poignée, dix fois moins que celui des victimes de la bonne vieille grippe de grand-mère ou des accidentés de la route).
Et que je te claironne la nouvelle ruée sur les centres de vaccination (officiellement 300.000 de plus en une semaine… sur plus de 60 millions d'habitants, 94 millions de doses de sérum, un exploit à coup sûr).
Et que je te dramatise en ergotant sans rien savoir sur les mutations menaçantes du virus ; en appelant à la réquisition de l'armée, du médecin de famille, de l'étudiant en médecine…
Pas le moindre examen, pas la moindre réflexion un tant soit un peu contradictoires. Sent-on une « légère réticence » de la population à aller se faire piquer, qu'ils envoient l'artillerie lourde de leurs « spécialistes » et autres trucologues pour river le caquet à ces trouillards. N'y aurait-il qu'un malheureux pékin à la porte du centre de vaccination que c'est lui qu'ils intervieweraient.
Bref, du bachelotage obséquieux dans le texte ! Même pas la peine d'appuyer nos affirmations par des exemples précis. PERSONNE ne peut échapper à leur rouleau-compresseur. Nous ne sommes même plus au niveau du déficit d'information, mais à celui de la désinformation avérée.
Une victime présentant bien d'autres pathologies de maladies dégénérescentes
Remarquez, ils n'en sont pas à leur coup d'essai.
On a rappelé l'épisode du référendum sur la constitution européenne. On pourrait citer des tas d'autres cas de manipulations aussi lourdingues, des tentatives de discréditer tous mouvements sociaux (par les micro-trottoirs d'usagers mécontents), aux farces comiques façon burqa menaçante, en passant par la soupe sarkozienne.
On pourrait rire de toutes ces pitreries. Ce serait oublier qu'ils sont parvenus à dénaturer et à pervertir jusqu'à notre démocratie elle-même. En filtrant et en écartant tous les grains des sables qui pourraient détériorer son fonctionnement bien pensant (c'est-à-dire « pensant » dans le même sens qu'eux et leurs maîtres). Honte !
Et ils accusent Internet de manipulations et de complots !
Une seule chose de rassurante dans leur naufrage : ils ne réussissent plus tous leurs sales coups. Ils s'étaient déjà sérieusement faits moucher lors du référendum de 2005. Ils sont en passe de prendre une autre gamelle avec cette histoire de vaccination.
Car manifestement la sauce ne prend pas. L'opération de vaccinations lancée tout récemment dans les établissements scolaires patine. Les queues et la longueur de l'attente aux portes des centres prévus à cet effet ne stigmatisent que l'incurie des services de santé à assurer correctement leur mission. Même sur un aussi faible nombre d'impatients patients.
La presse et les médias traditionnels se meurent, dit-on ? Faute de vaccin contre le ridicule et le grotesque, pas étonnant. Nul ne sait encore les dégâts qu'occasionnera la pandémie en cours dans les populations. Mais on constate au moins ceux qu'elle a déjà fait subir à ces tartuffes journaleux.
La pandémie H1N1, signe du crépuscule de notre civilisation
Bernard Dugué, ingénieur des mines, docteur en pharmacologie et docteur en philosophie, vient de publier l'essai HIN1 La pandémie de la peur (éd. Xenia). Il y livre une analyse sociologique et une perspective historique et philosophique à la pandémie. Rue89 lui donne la parole.
Dans mon livre, je prends appui sur les faits, à la fois scientifiques et sociétaux, tentant d'élucider les ressorts de ce qui paraît être un emballement de la machine sanitaire. Partons de l'actualité de ces derniers jours pour illustrer ma thèse.
Sur le plateau de Mots croisés (France 2) lundi 23 novembre, la ministre Bachelot expliquait que le conditionnement du vaccin en flacon de dix doses était lié aux contraintes du marché. Ni Yves Calvi, ni ses invités n'ont cru bon de contredire la ministre. Ce conditionnement résulte non pas du marché mais d'un choix technique dans la gestion sanitaire, avec une commande de 96 millions de doses assorti d'un plan de vaccination généralisé et orchestré avec des moyens logistiques sans précédent. Un esprit critique parlerait d'un acharnement thérapeutique. Pourquoi alors cette obstination ?
Quelques-uns ont parlé de théorie du complot ou de diktat des firmes pharmaceutique. Ce n'est pas sérieux et l'on voit bien comment une certaine opinion frondeuse peut réagir face à l'incompréhension de ce plan anti-grippe. Il reste deux réponses. La première est celle des autorités. La menace est bien réelle, il y a urgence sanitaire et l'incompréhension résulterait d'une mauvaise communication. La seconde repose sur une hypothèse forgée après une réflexion systémique. La machine sanitaire étant un système technique, elle va de l'avant une fois déclenché un processus.
Après le Téléthon, voilà le vaccinathon
Autant dire que cet épisode pandémique est révélateur de quelques pathologies de nos sociétés avancées, qu'elles soient occidentales ou asiatiques. Avec sans doute un excès dans l'application du principe de précaution. Dont la concrétisation se traduit par un mauvais choix technologique dans ce champ thérapeutique. Les plans contenus dans les tiroirs de l'expertise visaient en premier lieu une menace du type grippe aviaire. Ils n'étaient pas adaptés pour cette grippe H1N1.
La suite médiatique et sanitaire est assez évidente à analyser. Il faut produire une menace dans l'esprit des gens. Le procédé est classique. Quelques communiqués d'expertises à sens unique. Et puis des annonces répétitives de décès, de classes fermées et quelques images sélectionnées. Après le Téléthon, voilà le vaccinathon, 300 000 Français vaccinés, quel succès ! Le chiffre peut monter et atteindre le seuil de satisfaction ministériel. Et comme pour le Téléthon, rien de mieux que l'exhibition d'un cas particulier servant de déclencheur d'émotion.
Il n'est pas question de donner de l'argent mais d'offrir son bras à l'infirmière dans le gymnase prévu à cet effet. Pour inciter les Français à le faire, les médias peuvent éventuellement filmer une maman en pleurs suite à l'hospitalisation de sa fille mise sous assistance respiratoire. C'est un procédé très efficace, vu sur France3 ce mardi 24 novembre, dans le JT du soir.
On n'invite pas les passagers d'un bateau à prendre la barre
La menace pandémique a été surévaluée pour répondre aux besoins de la mise en route d'un plan national. Mais certaines données ne sont pas fiables : il n'est pas sûr que tous les cas d'hospitalisation soient liés à la grippe, des virus pulmonaires non grippaux et des bactéries peuvent très bien être impliquées. Les médias en ont-ils trop fait ?
Ce qu'on peut leur reprocher, c'est d'avoir occulté les avis contraires, comme celui du Dr Marc Girard. Mais cela aurait déclenché une belle confusion, un peu comme si les passagers d'un bateau venaient sur le pont pour indiquer au capitaine la barre à suivre !
Les autorités ont donc déclenché une menace pandémique qui ressemble à des événements d'un autre âge, comme la peur du démon et des sorcières, qui furent jugées et exécutées lors de l'inquisition qui vint aux XVIe et XVIIe siècles. Pourtant, ces sorcières étaient bien inoffensives. Hermann Broch avait vu dans cette chasse le signe d'une époque crépusculaire, avec une analyse fort savante sur l'hypertrophie de la théologie et la perte en rationalité qui en résultait.
Un troisième crépuscule de notre civilisation
Nous sommes sans doute au moment d'un troisième crépuscule. Si l'on admet que le crépuscule marqué par la démonologie signe la fin du dispositif théologique et de la sécurisation par l'Eglise. Et que le crépuscule marqué par le nazisme, le stalinisme et les sciences humaines matérialistes et raciales marque la fin du dispositif philosophique dévoyé et des jeux nationalistes d'Etat.
Nous voilà au seuil de cette grande énigme du XXIe siècle. Avec une interrogation : nos gouvernants sont-ils réellement en possession de la science ou bien tributaires des experts sanitaires ?
Je pose la question autrement. Les politiques ont-ils peur, sont-ils devenus fous ? Si tel est le cas, nos politiques ne sont pas si puissants qu'on ne le pense mais plutôt les vassaux des experts, en l'occurrence, de ceux de l'OMS. C'est une hypothèse. Il va de soi que d'autres ressorts se greffent. La panique pandémique présente un intérêt pour les profits de l'industrie sanitaire ainsi que les experts qui en ressortent renforcés à l'instar des chefs militaires du temps de Napoléon.
La thèse du crépuscule est donc la leçon philosophique qui s'impose. Chaque époque a ses priorités et ses dispositifs transcendantaux laissant accroire que si une question est résolue, tout va s'en suivre et que la société ira de son mieux. Nous avons cru que si les questions techniques fondamentales étaient résolues, tout irait dans le bon sens.
Déjà, Ellul et Habermas voyaient des problèmes en 1970. D'aucuns tels Fukuyama ont imaginé une ère post-humaine avec l'usage des prothèses bio-technologiques. Le protocole de Lisbonne a cru en un salut par l'économie du savoir et savoir-faire technologique. On a cru aux nouvelles technologies en 1998. On croit en une croissance verte. La leçon de cette pandémie, c'est que la profusion de dispositifs techniques peut engendrer plus de problèmes qu'elle n'en résout. Quand l'humanité se sera affranchie de cette « croyance technologique », une nouvelle époque émergera.
Photo : le logo du « Grippathon », novembre 2009 (Ga).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire