samedi 1 mai 2010

France 5 : "Un monde sans fous ?"



Un reportage de France 5 qui dénonce la politique archïque et criminelle de nos gouvernants :

Quelle place notre société réserve-t-elle à la maladie mentale ? Services de psychiatrie, rues, prisons… ce documentaire, diffusé dans Le Monde en face, arpente les lieux où échoue la folie pour y interroger ceux qui la vivent et ceux qui y sont confrontés. De l'enfermement aux soins au long cours, il évalue chaque réponse sur fond de réforme gouvernementale de la psychiatrie publique.




La psychiatrie publique n'est pas engoncée dans une camisole de force. Ses frontières bougent. Il y a cinquante ans, elle a ouvert la porte des asiles pour installer le soin psychique au plus près des patients. Le parcours de Frédéric est un condensé de cette évolution. « On peut dire que j'ai eu de la chance par rapport à d'autres, témoigne-t-il. J'ai pété les plombs. Je me suis retrouvé à l'hôpital. Trop longtemps. J'étais enfermé. Puis j'ai changé de service parce que ma famille s'inquiétait de me voir végéter, baver, grossir, ne plus penser. Ensuite ç'a été : appartement thérapeutique pendant trois ans, appartement protégé, puis retour à la vie. Ça va mieux. A une époque, je ne me suis pas senti en sécurité ici, en plein après-midi, avec les pêcheurs et les cyclistes. » Depuis dix ans, il est suivi par l'équipe soignante d'un centre médico-psychologique. Environ 250 patients psychotiques peuvent y être reçus en urgence « quand ils estiment qu'il y a du danger pour eux ou pour les autres », souligne un infirmier, très fier de travailler dans un dispositif qui privilégie les soins au long cours, la parole et les liens patiemment tissés.

La « chance » de Frédéric, c'est d'avoir été recueilli par l'une des rares institutions où l'approche humaniste a réussi, tandis qu'ailleurs la psychiatrie publique a fermé 50 000 lits en trente ans. Sulleman, lui, a fait les frais de cette gestion en flux tendu de patients en crise. Ce schizophrène est décédé à l'âge de 42 ans, en 2006, marginalisé. Sa sœur se souvient : « Il a erré de foyer en foyer, puis de rue en rue. S'il avait pu bénéficier de soins adaptés, cette tragédie aurait pu être évitée. » Aujourd'hui, un tiers des sans-abri souffriraient de pathologies mentales. « Il fallait absolument détruire les asiles, mais il ne fallait pas qu'on enlève aussi les soins, regrette le Dr Hervé Bokobza. On a confondu la réforme de fond de l'asile avec la destruction de l'asile. »

Le parcours « bien balisé » d’un fou en France


C'est le début d'un cercle vicieux dont on explore ici les mécanismes. « Le parcours du fou est bien balisé : c'est un aller-retour entre la rue, le foyer, ce qu'il reste de l'hôpital psychiatrique et la prison », résume le vice-président du tribunal de grande instance de Paris. « On juge des gens et on s'aperçoit, une fois qu'ils sont arrivés en détention, qu'ils ont des maladies mentales. Elles auraient dû être prises en compte quand on les a jugés », enchaîne la présidente du Syndicat de la magistrature. Et l'écrivain Catherine Herszberg (Fresnes, histoires de fous) de dénoncer la focalisation des pouvoirs publics sur les questions sécuritaires : « C'est une interrogation politique majeure sur l'état d'une société, quand on en vient à se dire que le dernier lieu où certaines personnes trouvent des soins, c'est la prison. »

La santé mentale en question

Un changement s'impose donc. C'est l'avis du président Nicolas Sarkozy, qui s'appuie sur des faits divers impliquant des déséquilibrés pour imposer la réforme Bachelot. Déjà impopulaire, elle se veut gestionnaire et s'appuie sur les thèses comportementalistes d'Amérique du Nord. Ses idées ? La rééducation est moins chère et plus rapide que les soins au long cours. Plus grave, dans les coulisses du pouvoir, des scientifiques œuvrent pour remplacer le terme de folie par celui de santé mentale. La psychiatrie ne s'occuperait plus seulement des névroses et psychoses mais aussi de la dépression, de l'anxiété, de la déviance sociale… Ce mouvement estime qu'un Français sur quatre rencontre des problèmes de santé mentale. « Pouvons-nous nous passer d'un quart de nos ressources humaines, se questionne cette partisane. Au-delà des discours humanistes qui ne changent rien au problème, attaquons-nous à la question de la santé mentale avec des causes précises et des enjeux chiffrés. » La traque systématique de ces troubles prend forme avec ces programmes de détection, destinés aux écoles et aux entreprises, déjà développés. A la grande inquiétude de ce psychiatre qui avertit : « S'attaquer aux libertés fondamentales des plus exclus d'entre nous augure de ce qui pourrait arriver au reste de la communauté. »

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