Y"Il est très important de se pencher sur la réalité de la société française avant de lancer ces quelques accusations gratuites glanées ça et là, dans le bus, au coin d'une rue, sur nos lieux de travail … avant de s'engager dans un discours populiste de "guerre de civilisation"
Ceux que nous appelons « musulmans » sont en effet des personnes issues de mondes parfois bien différents les uns des autres. Que peut-il y avoir de commun entre un animiste sénégalais, un chiite septimain de Bombay, un hanbalite wahhabite d'Arabie Saoudite, un chaféite d'Indonésie…
La réalité chrétienne française est tout aussi compliquée. L'évolution des pensées au XVIe siècle, avec des personnalités aussi complexes que celles de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier, jusqu'à la révolution française marquée par la pensée de Martin Luther, ou la cristallisation calviniste dans le midi de la France devraient nous porter à appréhender un peu mieux cette complexité. Il serait tout aussi absurde de nier l'influence du judaïsme, du bouddhisme, … ou de la poussée agnostique dans la société française.
Dire que la religion principale est en France le catholicisme, ne peut pas signifier non plus que ses préceptes religieux, sont partagés par la majorité de la population. En effet, toutes religions confondues, le taux de pratique religieuse est relativement faible sur l'ensemble du territoire. Ajoutons à cela que selon une enquête effectuée en 2008-2009 par l'INED, 45 % des Français métropolitains âgés de 18 à 50 ans se déclaraient sans religionAlors réjouissons-nous que la France soit un État laïque depuis la loi de séparation des Églises et de l'État du 9 décembre 1905, l'objectif étant de respecter la liberté de conscience et la pratique de toutes les religions. Nous ne connaissons pas de meilleur outil pour garantir l'unité nationale. Pourtant nous sommes loin de voir les choses ainsi, que ce soit en Europe ou dans le monde.
Cela explique peut-être que certaines personnalités comme Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, aient pu s'exprimer avec autant de légèreté au cœur de la basilique Saint-Jean-de-Latran, en 2007.En accusant la laïcité de couper la France de ses racines chrétiennes, Nicolas Sarkozy a saucissonné la France en autant d'allumettes incendiaires. Il a réintroduit les guerres de religion au cœur du discours institutionnel, nous ramenant à ces terribles époques de guerres fratricides. N'a-t-il pas dans sa grande envolée lyrique, consacré la supériorité du prédicateur sur celle de l'instituteur ? Rappelez-vous ces paroles : "Dans la transmission des valeurs et de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le prêtre ou le pasteur (...) parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance."
Aujourd'hui Nicolas nous place dans une "guerre de civilisation"L'unité nationale ne peut se satisfaire d'un tel refus d'admettre l'existence d'idées, de croyances et d'opinions différentes de la chrétienté. Cela s'appelle de l'intolérance."
Le 22/01/2015
Pierre Dard
Membre du Conseil Fédéral du Gard du Parti Socialiste